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Le décès

 

« La tragédie de la mort est en ceci

qu’elle transforme la vie en destin »

André Malraux

                                         

 

La vie trépidante de Frédéric Curie s'achève donc par une crise cardiaque en cette nuit  du 16 décembre 1956. Il succomba « tout simplement dans son lit à la suite d’un court malaise imprévu et imprévisible puisqu’il venait de subir, quelques jours plus tôt, l’examen périodique des pilotes. Malgré tous les soins (…) le lieutenant-colonel Curie expirait sans avoir repris connaissance vers minuit trente ». 

 

Trépidante sa vie l’était à plus d'un titre  puisque après ses démonstrations, ses sauvetages et son activité qu'il menait tambour battant, il trouvait quelques jours  pour assouvir sa passion de la vitesse en participant à de nombreux rallyes au volant de sa vrombissante Delahaye décapotable. Des rallyes où il se classa  d'ailleurs plus qu'honorablement.

A l'annonce de son décès, les  témoignages d'amitiés arrivent par centaines dont celui de Paul-Emile Victor avec qui il avait il avait fondé la Lifrassa. Et bien sûr celui du général De Gaulle dont il ne reste plus aujourd’hui que deux brouillons de lettres de réponse rédigées par Hélène Curie, la veuve de Frédéric Curie :

 

« Général,

C'est avec émotion que j'ai reçu votre lettre. Je tiens  à vous adresser mes remerciements douloureux et sincères. Dans mon immense chagrin, c'est un réconfort pour moi de penser que mon mari jouissait de votre estime. Veuillez recevoir, Général, l'expression de mes sentiments émus et reconnaissants. Hélène Curie ».

 

« Général,

Je vous prie d'accepter l'expression de mes remerciements les plus sincères pour les marques de sympathie que vous avez bien voulu me témoigner lors de la mort de mon mari, le lieutenant-colonel Curie.  Officier français, mon mari n'aurait pu suivre une autre voie que celle que vous-même aviez choisie sans faillir à ses devoirs de chef et sans manquer à sa propre conscience d'homme.  Pour moi qui ai partagé ses peines et ses joies, je suis profondément  émue qu'une personnalité universellement connue et respectée ait pu se souvenir d'un de ses modestes collaborateurs des heures difficiles. C'est dans ma peine un immense réconfort. »

 

Et celui de l'adjudant Joseph de Taddéo à l'épouse de Frédéric Curie : « Vous savez madame ce qu'était le colonel, pour beaucoup en général et pour moi en particulier, il l'a d'ailleurs lui-même rappelé dans "Protection Civile", un article chic à l'occasion de mon départ du Régiment : la Résistance, la tente qu'ensemble nous avions dressée à Chaptal, les débuts de l'hélicoptère et bien d'autres choses. »

 

Dans la cour du Quartier Central, à la caserne Champerret, Le corps de Frédéric Curie repose sous une avalanche de fleurs. Les hommages sont élogieux tel celui du préfet Maxime Roux :

« Il était d’abord courage, mais courage allègre, courage sans parade et sans vanité, courage sûr de soi et de bon aloi, du meilleur aloi. Il n’était rien en effet qu’il ne sut regarder avec une âme ferme et calme (…) En lui, l’homme tout court, avait fait le soldat, par choix du danger, de tous les dangers successifs. Il était aussi enthousiasme et passion : qu’une idée pourvu qu’elle soit grande et noble se présente à son esprit, c’est l’homme tout entier qu’elle avait bientôt conquis. Les malheurs de la Patrie, voici quinze ans, l’avaient haussé à son propre niveau, et ce devoir accompli il aurait pu se reposer et mener la vie de celui qui peut regarder derrière soi son passé sans tache et déjà fait de dévouement ».

 

Le jour même, un reportage de plusieurs minutes retraçant sa carrière fut diffusé au journal de 20 h présenté par Léon Zitrone.

 

 

Le 20 décembre 1956, la lourde dalle de marbre noir scellait donc la dernière demeure de Frédéric Curie dans le petit cimetière d’Etupes : « Dans la campagne franc-comtoise, la nature morne parce que déjà hivernale, semble porter le deuil de ce fils éminent du terroir, que l’aile sombre de la mort vient, avec une pareille précocité, d’effacer de la communauté des vivants(…) Au son lugubre du glas tombant de l’humble clocher et heurtant en syncope le rythme compassé d’une marche funèbre exécutée par l’harmonie locale, le cortège s’avance, grossi par une assemblée nombreuse où chaque foyer manifeste par l’un des siens son sentiment compatissant à la famille éprouvée et sa sympathie à celui qu’elle pleure et gravit le chemin en pente menant au lieu de repos des trépassés » (In le sapeur-pompier n°598)

 

Là encore, les hommages ne tarirent pas :

 

« Dans l’ombre discrète de nos temples, notre ami, avec toute son âme généreuse, s’intéresse à la solution heureuse des grands problèmes qui tourmentent, inquiètent et excitent les craintes sur les espoirs de l’humanité actuelle. (…) Mon cher frère Curie, dors en paix. Tu as été un ouvrier parfait. Au bord de cette froide tombe nous gémissons et nous espérons », souligne un franc-maçon.

 

« Repose-toi. Il est des mérites qui n’attendent pas la vieillesse, il est des cœurs qui battent moins longtemps parce qu’ils battent plus vite », déclare René Beltramelli, compagnon d’arme de Frédéric Curie.

 

Sa tombe est surmontée d'une plaque commémorative du maître sculpteur Helbert représentant Frédéric Curie aux commandes de son Bell 47G et rappelant le triptyque de sa vie : « Combattant de la Résistance – Entraîneur d'hommes - Pionnier du sauvetage aérien ». Trois plaques identiques furent sculptées grâce à une souscription lancée à la mort de Frédéric Curie, l'une, on l'a dit se trouve sur sa tombe, la seconde se trouvait au Centre d'Instruction de la Protection Civile à Chaptal (elle a tout d'abord été conservée au quartier central des sapeurs-pompiers de Paris, caserne Champerret avant d'être réinstallée, il y a quelques années, au 26 rue Chaptal à Paris dans le hall d'entrée de la bibliothèque publique de la Ville de Paris qui fut le siège de l'Ecole que dirigea Frédéric Curie. Elle s'y trouve toujours).

Une dernière plaque avait été dévoilée le 24 mai 1960 par le ministre de l'Intérieur Chatenet à la base hélicoptère d'Issy-les-Moulineaux. Cette dernière est aujourd’hui à la base hélicoptère « Lieutenant-colonel Curie » de Nîmes-Garons.

 

La tombe du cimetière d'Etupes accueillera 37 ans plus tard en 1993, sa femme Hélène Curie née Graff. Le couple n'avait pas eu de descendance. Mais la famille collatérale n'a eu de cesse de perpétuer et de faire vivre la mémoire de Frédéric Curie.

 

 

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