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Le jugement et la détention

 

« Demain nous serons jugés, le cœur bat plus vite (…) Je ne doute pas un instant que c’est Me de K***, il tient parole, je l’aperçois en effet dans l’antichambre des bureaux. Vite, il me dit que nous serons jugés demain, quel coup au cœur, voilà longtemps que j’attends ce moment et maintenant je le redoute ; demain le verdict. On nous sépare brutalement, l’entrevue ne doit être possible qu’en présence de l’interprète. Je suis dans une petite pièce attenante au bureau, je marche rapidement en long pour me calmer (comme mon cœur bat à tout casser). Au bout d’un quart d’heure on m’appelle et dans une autre pièce, en présence de l’interprète qui nous donne dix minutes, je vois Me de K*** (…) Pour la première fois, je serai jugé dans un tribunal et par des Allemands qui seront sévères ». (Lettre du 7 octobre 1940 – Prison du Cherche-Midi)

 

« Sarniguet vient de me quitter. Depuis le retour du tribunal, il est resté dans ma cellule, la sienne étant fermée. Ça y est, l’exécution s’est passée dans les formes : il a deux ans et demi de prison, j’ai un an et trois mois, je suis assommé. (…) Un an et trois mois !! J’ai fumé continuellement depuis mon retour, la tête me tourne, je suis abattu (…) Que de fois j’ai répété dans l’après-midi : « Un an et trois mois aux prisonniers qui allaient se faire raser près du coiffeur qui tenait boutique à l’autre extrémité du couloir ; oui, un an et trois mois, un an et trois mois. Un an pour avoir donné mon livret à de la Boisse, trois mois pour avoir eu un laissez-passer  au nom de D*** et un faux livret donné et fait par Sarniguet. Au cours de l’interrogatoire de ce dernier, j’avais compris que l’affaire était plus grave que je ne pensais (…) Il s’en est fallu (maintenant je le sais) que nous ne soyons pas inquiétés. Un des prisonnier que D*** m’avait envoyé a été arrêté, on a trouvé sur lui un mot de recommandation que D*** m’adressait pour lui et voilà comment, par l’imprudence de D*** qui n’aurait rien du écrire et par l’imprudence de l’autre qui avait conservé le mot, tout a été découvert et a donné en tout, trois ans et neuf mois de prison et un an de travaux forcés. Sarniguet a deux ans et demi de prison, j’ai un an et trois mois et le pauvre malheureux chez qui s’abritait le prisonnier évadé a eu un an de travaux forcés pour avoir deux pistolets chez lui cachés derrière un mur. Comme tu vois, il y a eu bonne distribution dans cette histoire navrante. (…) Il en a coûté six mois à Sarniguet pour avoir fait passer du courrier en zone occupée pendant l’interdiction, les deux ans sont pour avoir pourvu d’autres français de fausses pièces d’identité. Je ne sais si je l’ai dit pour moi : un an pour avoir donné mon livret à de la Boisse, trois mois pour le passeport du protégé de D***. » (Lettre du 8 octobre 1940 – Prison du Cherche-Midi)

 

Jusqu’au 6 décembre 1941, Frédéric Curie va connaître, outre la prison du Cherche-Midi, la prison de Fresnes. Dans cette dernière, à l’infirmerie, il y rencontre le célèbre docteur Diamant-Berger : « (…) Curie avait même occupé la cellule 85 à laquelle il avait apporté divers aménagements, telle qu’un rideau confectionné dans une vieille couverture, dont l’embrasse était une ficelle dorée de pâtissier et qu’on accrochait avec un manche à balai que j’ai toujours utilisé. Je lui devais aussi un truquage de la serrure du guichet de ma porte, qui me permettait de l’ouvrir du dedans ». (Lucien Diamant-Berger, Prisons tragiques, prisons comiques, prisons grivoises, Raoul Solar, 1947).

 

Durant sa détention, Frédéric Curie occupe à Fresnes un emploi au greffe de la prison. Il va y réaliser encore des actes de résistance : « 1941. Employé au greffe judiciaire de Fresnes, établit des états incomplets de détenus politiques qui peuvent ainsi être libérés sans être internés administrativement au sortir de la prison (…) ». (Extrait de : « Exposé circonstancié et détaillé des faits ayants entraîné la proposition » à la croix de la Libération qu’il n’obtiendra pas).

 

Depuis le début de sa détention il cru en la victoire de la France : « Non va, la France n’est pas morte et la République non plus, nous avons tous, depuis trop de générations, souffert pour Elle et notre liberté reviendra, nous l’avons déjà portée à travers le monde, elle ne peut mourir. Les tyrans passent, les peuples restent » (19 décembre 1940 – Prison de Fresnes)

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