Lieutenant-colonel Frédéric Curie
Pompier de Paris et résistant
Chanal, le pseudonyme
Durant sa longue détention, Frédéric Curie aura tout le temps de rédiger ses cahiers de détention. Mais il y trouva aussi sans doute l’inspiration pour se choisir un pseudonyme. Pour organiser « Sécurité Parisienne », dont nous reparlerons plus loin où pour devenir l’agent 1460 de « Patriam recuperare », groupe constitué de francs-maçons, il devient l’énigmatique « Chanal » ou parfois même, le « Commandant Chanal ».
La signification de ce nom d’emprunt ?
Une piste est peut-être à creuser du côté du 30e bataillon de chasseurs alpins. Régiment dans lequel Curie a été incorporé, le 12 novembre 1926. Dans le martyrologe du 30e BCA, on note la présence d’un caporal Chanal de la classe 1916 dont les prénoms sont François Claudius. Par conséquent les initiales de son nom et mêmes celles de ses prénoms forment « FC » tout comme Frédéric Curie. Mais le parallèle ne s’arrête pas là car l’histoire de ce militaire est aussi très intéressante. Le caporal Chanal, durant la Grande Guerre va également faire preuve de courage face aux Allemands durant les combats de la Somme. Il trouvera la mort le 18 août 1918 lors des combats à Villers-les-Royes. La personnalité de ce Chanal a-t-elle été évoquée lors de la formation à la vie militaire de Frédéric Curie qui possédait d’ailleurs dans sa bibliothèque l’historique du 30e BCA ? Les chasseurs accordant à leurs traditions et à l’histoire de leurs glorieux aînés un intérêt tout particulier, Frédéric Curie s’en est-il souvenu ?
Enfin, la dernière hypothèse, peut-être la plus belle et la plus plausible, il faut aller la chercher dans l’ouvrage de Gaston Tissandier intitulé « En ballon ! Pendant le siège de Paris, souvenirs d’un aérostier » et publié en 1871. Sous le titre « Les aérostiers militaires de la première République » on lit : « En 1793, lors du siège de la ville de Condé, le commandant Chanal, homme d’action et d’intelligence, enfermé dans la place forte investie, cherchait à tout prix à donner de ses nouvelles, à envoyer des dépêches au colonel Dampierre qui commandait une division française hors des lignes d’investissement. Il recourut aux ballons. Il fit construire un aérostat de papier qu’il lança en liberté dans l’espace avec un petit paquet de dépêches. L’appareil tomba juste au milieu du camp ennemi et fournit au prince de Cobourg des renseignements sur la situation de la forteresse. Un tel début n’était pas d’heureux présage pour la fortune future des aérostats messagers ! ».
Tout y est : la République menacée, la guerre, les soldats germaniques, le siège d’une ville, la résistance aux soldats d’Outre-Rhin, le commandant Chanal bien sûr en débutant malchanceux, mais aussi les dépêches tombant aux mains des ennemis et surtout l’auteur du livre qui écrit tout cela durant un autre siège, celui de Paris par les Allemands en 1870. Et si à cela on ajoute une simple petite photo datée de Bitche en 1928 où l’on voit Frédéric Curie, revêtu de l’uniforme du 30e bataillon alpin de chasseurs à pied et grimpé à l’intérieur d’une nacelle de montgolfière, alors…
Pour l’heure, plus de ballon, mais une voiture de la Wermacht qui stationne en ce 23 août 1940 devant la lourde porte de la caserne de la 4e compagnie des sapeurs-pompiers de Paris. Le capitaine Schultz et ses hommes ont fouillé les bureaux et les appartements, ils ont trouvé des documents compromettants et emmènent les capitaines Curie et Sarniguet vers la prison du Cherche-Midi. Ils seront jugés le 8 octobre suivant.